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Albert Du Roy était récemment l´invité du club de la presse de Lyon et du café la Cloche pour un forum de discussion sur l´évolution des médias. En un demi-siècle de pratique, Albert du Roy a connu presque toutes les formes de journalisme: radio (Europe 1, RMC, France inter), télévision (France 2), presse écrite (L'Express, Le Nouvel Observateur, L'Evénement du jeudi, L'Expansion,...) ; reportages, enquêtes, interviews ("L'Heure de vérité "), éditoriaux; du statut de reporter à la fonction de directeur général.
Le constat que fait ce journaliste est particulièrement amer : nous sommes arrivés à un moment où le travail de la presse en général et des journalistes en particulier est totalement et fondamentalement mis en cause par les citoyens. Manque de compétences dans les rédactions, manque d´indépendance des journalistes vis à vis de leur hiérarchie. Une hiérarchie qui "partage fondamentalement les idées et les valeurs du gouvernement". Le dernier exemple en date étant le fait que les journalistes des échos ont appris la nomination de leur directeur de la rédaction de la bouche même du Président de la République !
La défiance des citoyens est telle que pour la majorité d´entre eux il n´y a plus lieu de faire confiance aux journalistes qu´ils considèrent au mieux comme des "porte stylos". Chacun, que ce soit dans une assemblée générale d´étudiants, une réunion syndicale, ou un meeting politique, ne tolère de lire que ce dont il a envie, au détriment de toute analyse ou mise en perspective, ce qui devrait être le travail du journaliste.
Cette remise en cause est aussi bien le fait (et c´est plus spectaculaire) des politiques qui se dotent de services de communication "fins connaisseurs de toutes les ficelles du journalisme", mais aussi des moindres petites PME, qui font appel à des cabinets de gestion de crise pour filtrer ce qui doit être publié ou non.
Selon Albert Du Roy, qui vient de publier chez Stock un livre intitulé "La mort de l´information", non seulement les rédactions manquent de temps, mais elles doivent faire face aux pressions économiques et financières et les journalistes eux-mêmes ne sont plus capables de "se mettre en examen" . Par manque de temps, d´argent, d´intelligence et de courage!.
Aujourd´hui, cinq grands groupes se partagent le monde des médias, et tous sont liés aux marchés de l´armement, de la construction, ou ont des conflits d´intérêts entre leurs groupes de presse et les marchés qu´ils obtiennent de l´Etat. On connaît, Bouygues, Lagardère, Dassault, mais il y a aussi Bolloré, Pinault et Bernard Arnault, qui ont tous en commun d´être des "amis du président".
Dans cet océan de grisaille, seuls quelques petits icebergs flottent encore. Par la structure de leur capital, des hebdomadaires comme Marianne ou Le Canard Enchaîné, un mensuel comme Le Monde diplomatique arrivent encore à tirer leur épingle du jeu.
Des pistes pour sortir de la crise ?
Au cours de la discussion avec les lecteurs, Albert Du Roy a soulevé quelques pistes pour sortir de cette crise, mais sans se départir d´un certain pessimisme. Car ce qui manque, aux journalistes, c´est la garantie de leur indépendance, une garantie qui pourrait être institutionnelle, mais surtout financière. Mais si les lecteurs ne sont plus disposés à payer pour leur information, il ne reste paradoxalement qu´à compter sur la publicité . Dans les années 70, l´Express avait toujours plus d´annonceurs que d´espace se souvient t´il : "lorsqu´un annonceur n´était pas content, nous avions toujours l´assurance de faire sortir le journal".
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