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Déclin industriel et perte de cohésion ou développement équilibré de la société et des territoires ? Le CESR (Conseil Economique et Social de Région) a élaboré cinq scénarios pour l'avenir de la région Rhône-Alpes.
Ces scénarios ont été apportés au dossier qui sera analysé par les Conseillers Régionaux au cours de la séance pleinière du jeudi 26 mars.
Ces scénarios ont été apportés au dossier qui sera analysé par les Conseillers Régionaux au cours de la séance pleinière du jeudi 26 mars.
La cohésion sociale en question
Le CESR se prononce entre autre pour le développement d' un enseignement professionnel de haut niveau. Plusieurs scénarios laissent apparaître des risques en matière de cohésion sociale. Selon ces scénarios, des investissements élitistes dans la formation et la recherche pour les hautes technologies créent une société duale. Des scénarios évoquent l’exclusion scolaire, l’exclusion sociale, les inconvénients d’une privatisation du système de formation. Face à ces risques, la section Prospective insiste sur la nécessité de rénover le pilotage du système de formation, en misant sur un enseignement professionnel de haut niveau, "dont a besoin le tissu des entreprises, en particulier industrielles. L’enseignement professionnel joue un rôle économique, mais est également un facteur d’inclusion sociale déterminant".
Scénario 1 « Cap sur l’intelligence et la cohésion »
Le premier scénario propose d'investir dans le capital humain : il décrit une Région qui, au tournant des années 2010, a choisi l’économie de la connaissance, a investi dans le capital humain et a opté notamment pour les nanotechnologies, les biotechs, les infotechnologies et les technologies cognitives, sans sacrifier son socle industriel.
Formation, recherche, innovation, économie sont connectées dans un écosystème actif. Les pôles d’excellence émergent sans faire d’ombre à d’autres secteurs. La formation est le ciment de la cohésion sociale, dans une Région au pilotage clair, partenaired’une « société civile organisée ». L’aménagement du territoire est cohérent dans une région « métropole », avec des villes en réseau, une protection de l’environnement et une éco-citoyenneté efficaces. La prospérité permet de lutter contre l’exclusion. Le contexte d’une évolution européenne dynamique dans un monde multi-polaire ou dans un climat international favorable au développement durable rend ce scénario plausible. Il est peu compatible avec une Europe « en panne » dans un monde multi-polaire ou dans un contexte de crise des ressources.
Scénario 2 « Chacun pour soi »
Des choix économiques élitistes et la démocratie participative mettent à mal la cohésion. Ce scénario imagine une région moins cohérente dont le tissu économique a été déchiré par la concurrence mondiale. Quelques secteurs, dont ceux qui ont été soutenus par certains pôles de compétitivité, ont tiré leur épingle du jeu pour le profit de grandes agglomérations. D’autres ont décroché et avec eux des territoires entiers.
Le dynamisme est concentré autour de Lyon et de Grenoble, avec une recherche en technologies de pointe richement dotée sans ouverture aux sciences humaines et sociales. La science décriée dans les années 2000 est coupée de la société. La Région prend peu d’initiatives, l’Etat reste désengagé, et la décentralisation se poursuit dans le désordre. Une démocratie participative généralisée brouille les cartes et renforce des pouvoirs locaux qui ne construisent aucune cohérence large. La société est duale : d’un côté, les travailleurs des secteurs «high-tech » et des seniors aisés, de l’autre la main d’oeuvre moins qualifiée des services à la personne. Le système éducatif produit de l’exclusion et la fracture sociale est aussi sanitaire.
Un contexte de « marché-roi » rendrait ce scénario plausible, et dans une moindre mesure, un scénario international de crises de ressources, de tensions, ou d’une panne de l’Europe.
Scénario 3 « Le spectre du décrochage »
Des visions de court terme mènent à l’appauvrissement. Ce scénario 3 imagine une région où faute d’innovation, de bons choix industriels, de stratégie publique, la compétitivité s’est érodée, le socle industriel effrité. L’économie a basculé dans la sous-traitance avec une main d’oeuvre vieillie dans une région moins attirante. L’emploi industriel a reculé au profit de l’emploi dans le résidentiel.
Quelques poches de compétitivité subsistent. Aucun éco-système territorial ne s’est développé entre formation, recherche et économie. L’image de la science même se dégrade. L’éducation est scindée entre public et privé, les aides allant aux individus.
Les élus répondent à des demandes immédiates, au profit d’une économie présentielle. L’Etat se désengage encore et éteint des incendies. Les compétences entre collectivités restent enchevêtrées. Sclérosée par une administration lointaine et peu lisible, la Région n’a pas les moyens de ses ambitions. Des territoires, presque tous en crise, s’appauvrissent. Les services à la personne se multiplient notamment pour les personnes âgées dont une proportion croissante souffre de précarité. La lutte contre l’exclusion est prioritaire mais elle manque de moyens. Les villes se sont mal développées, sans systèmes de transports collectifs, dans une société dirigée par la démocratie d’opinion. Il n’existe pas de politique foncière cohérente sur le territoire régional, qui est livré à la spéculation.
Un contexte international de « marché roi » ou d’Europe en panne serait propice au développement d’un tel scénario. Mais, en revanche, il risquerait moins d’advenir dans une Europe dynamique au milieu d’un monde multi-polaire ou dans une planète qui aurait mis le cap sur le développement durable.
Scénario 4 « Pari sur un secteur leader »
Concentrer les investissements sur un secteur leader high-tech mais une précarité qui persiste Pour ne pas être marginalisée, Rhône-Alpes a concentré des investissements sur un secteur leader au croisement des biotechnologies et des nanotechnologies qui entraîne l’ensemble de l’économie rhônalpine.La Région a bénéficié d’une décentralisation claire avec des moyens accrus. Elle peut compter sur une société civile organisée et sur le maillage des trois agglomérations principales (Lyon, Grenoble et Genève) bénéficiant d’un système de mobilité durable et d’une politique foncière dédiée au secteur leader. Cette concentration provoque des résistances d’autres secteurs et de la société, exclus de cette économie gagnante. Elle renvoie la charge de la solidarité sur les collectivités de proximité qui n’ont pas les moyens suffisants.
Rhône-Alpes est une région déséquilibrée : d’un côté, elle se développe, de l’autre la précarité persiste et sa gestion est déléguée à l’échelon local alors que le système éducatif continue à exclure.
Ce scénario peut se réaliser dans un contexte international de « marché roi », moins dans un contexte européen dynamique et un monde multi-polaire ou dans une stratégie mondiale de développement durable.
Scénario 5 « L’individu souverain »
Ce scénario imagine une région issue de la « République des sondages », stimulée par plusieurs « incidents écologiques » dans les grands centres urbains. Chacun se replie sur lui-même. Le « pouvoir des citoyens » s’exprime dans d’innombrables réunions qui n’aboutissent qu’à des convergences locales obsédées de considérations de proximité. Les dépenses sont concentrées sur le cadre de vie. Rhône-Alpes est divisée entre une région lyonnaise sûre d’elle-même et un sillon alpin qui joue sa carte, les autres territoires ayant décroché. A force de persuasion, des projets sont lancés, mais la Région accompagne surtout des projets locaux plus qu’elle n’en lance à son échelle. L’écocitoyenneté a fait de grand progrès et Rhône Alpes est attractive... pour un écotourisme européen.
Des secteurs d’excellence émergent, comme le jeu vidéo et son cortège de sous-traitants. Les secteurs industriels eux sont à la peine ou ont été délocalisés. Les refus de recherches sur les nanotechnologies, le nucléaire, les biotechnologies, ont poussé des laboratoires à quitter Rhône-Alpes.
Une population vieillie bénéficie de nombreuses prestations d’entreprises de services à la personne. La solidarité a du mal à être organisée pour prendre en charge une exclusion qui augmente. « Les cyberdons déclinent et le cyberespace est devenu le seul lieu d’échanges pour les plus démunis dans une société ou la solitude et le repli dominent ». Un contexte de « marché roi » rendrait cohérent ce scénario qui serait plus aléatoire dans d’autres contextes.
Quelles pistes d’action ? Pour piloter le devenir de la région, la section Prospective du CESR recense des leviers : la gouvernance, les activités, l’aménagement du territoire et la cohésion sociale.
Pour mettre en place les politiques, cette section du CESR invite les décideurs à "garder un oeil sur l’horizon mondial et à rester vigilants". L’exercice de prospective consiste à imaginer des objectifs, à cerner des écueils et à mettre au point des leviers de commande pour piloter. Avant de parler du pilotage il insiste sur l’attitude des pilotes, les décideurs. Le rapport souligne leur rôle : « Leur rôle est fondamental pour rassembler, convaincre, agir dans un cadre cohérent et collectif autour d’un objectif clairement affiché et des moyens pour l’atteindre ». Il est possible d’agir sur ces futurs possibles dès lors que « des femmes et des hommes partageant une même vision » sont en capacité de concevoir et de mener un projet d’envergure.
Pour bien piloter la région, il faut aussi avoir un oeil en permanence rivé sur l’international pour mesurer « chacune des décisions au regard de son adéquation à un environnement extrêmement complexe, variable et dont les changements sont de plus en plus brusques ». Enfin, pour préparer l’avenir, il faut en permanence rester dans une posture de veille.
Pour bien piloter la région, il faut aussi avoir un oeil en permanence rivé sur l’international pour mesurer « chacune des décisions au regard de son adéquation à un environnement extrêmement complexe, variable et dont les changements sont de plus en plus brusques ». Enfin, pour préparer l’avenir, il faut en permanence rester dans une posture de veille.
Gouvernance : refuser que l’opinion l’emporte sur la société civile organisée
En matière de gouvernance, le rapport souligne les risques liés à un statu quo caractérisé par une concurrence entre collectivités, une gestion éclatée des dispositifs, une absence d’autonomie fiscale et une faible association de la société civile insuffisamment reconnue.
Le rapport estime risquée une gouvernance inféodée à l’opinion publique, qui impose une vision réduite principalement au cadre de vie, rivée sur le court terme et qui met à l’écart la société civile organisée notamment à travers les organisations d’employeurs, de salariés, les chambres
consulaires et le monde associatif. Le rapport suggère que Rhône-Alpes s’inscrive dans une expérimentation pour influencer l’évolution de la décentralisation.
Le rapport estime risquée une gouvernance inféodée à l’opinion publique, qui impose une vision réduite principalement au cadre de vie, rivée sur le court terme et qui met à l’écart la société civile organisée notamment à travers les organisations d’employeurs, de salariés, les chambres
consulaires et le monde associatif. Le rapport suggère que Rhône-Alpes s’inscrive dans une expérimentation pour influencer l’évolution de la décentralisation.
Pour une politique industrielle large
Le risque majeur pour Rhône-Alpes est le déclin continu d’un socle industriel qui a déjà souffert. Une trop grande spécialisation sur quelques filières, comme les biotechnologies ou les nanotechnologies, pourrait générer de trop grandes disparités entre territoires. Un échec des pôles de compétitivité serait aussi lourd de conséquences, comme une absence d’échanges efficaces dans l’éco-système formation-recherche-entreprises.
L’absence de politique de transmissions d’entreprises entraînerait un appauvrissement du tissu d’entreprises. Le rapport met l’accent sur une politique régionale qui doit intégrer les services dans la recherche de compétitivité, en recherchant le maintien d’équilibres entre territoires.
Les établissements d’enseignement supérieur devraient être soutenus pour mettre en place des formations en lien avec les besoins des territoires.
Le risque majeur pour Rhône-Alpes est le déclin continu d’un socle industriel qui a déjà souffert. Une trop grande spécialisation sur quelques filières, comme les biotechnologies ou les nanotechnologies, pourrait générer de trop grandes disparités entre territoires. Un échec des pôles de compétitivité serait aussi lourd de conséquences, comme une absence d’échanges efficaces dans l’éco-système formation-recherche-entreprises.
L’absence de politique de transmissions d’entreprises entraînerait un appauvrissement du tissu d’entreprises. Le rapport met l’accent sur une politique régionale qui doit intégrer les services dans la recherche de compétitivité, en recherchant le maintien d’équilibres entre territoires.
Les établissements d’enseignement supérieur devraient être soutenus pour mettre en place des formations en lien avec les besoins des territoires.
Aménagement du territoire : la Région doit veiller aux cohérences locales
Des craintes, inspirées par une décentralisation encore confuse et des compétences croisées entre collectivités aux moyens insuffisants, s’expriment. Elles touchent aussi l’émergence de pouvoirs locaux, incapables d’organiser le territoire. Une Région trop faible, condamnée à financer par ses guichets des projets locaux sans visions : tel est le risque.
Pour éviter l’émergence de pouvoirs locaux agissant sans cohérence entre eux, la Région devrait au contraire, selon le CESR, "être chef de file, en jouant le rôle de charnière avec l’Etat, avec d’autres Régions". La Région doit absolument avoir un rôle déterminant au niveau des infrastructures et miser sur l’efficacité des partenariats « public-privé ».
Le débat du 26 mars dans le cadre de la démarche régionale de prospective "Rhône-Alpes 21" est public. Il se déroule à 15h00 au siège du Conseil Régional à Charbonnières.
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