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Fichage des élèves : le collège Jean Moulin de Lyon met en place "l'enregistrement biométrique" pour la cantine
Les parents d'élèves avaient voté contre la mise en place de ce dispositif de contrôle lors du conseil d'administration du collège car, selon la FCPE, " après l’introduction des caméras de vidéo surveillance, il s’agit d’une étape supplémentaire dans la soumission du corps des élèves à une machine".
Dans un communiqué aux caractères particulièrement minuscules remis aux élèves le 19 décembre, le chef d'établissement, Madame Marchand, assure que le collège a recueilli l'agrément de la Commission Nationale Informatique et Liberté, mais le champ qui devrait contenir le numéro de cet agrément n'est curieusement pas rempli.
La Principale indique que, pour l'établissement, ce nouveau système présente les avantages suivants :
-aucune possibilité de fraude
- plus d'oubli ou de vol de la carte (les enfants ont déjà une carte avec photo d'identité -ndlr)
- plus de rachat de carte suite à perte ou détérioration
- contrôle infaillible de la présence de l'élève...
Elle indique toutefois que, "pour des motifs légitimes", les parents peuvent s'opposer à l'informatisation des données biométriques de leur enfant. Ils disposent pour cela du temps des vacances de Noël, soit au plus tard jusqu'au 2 janvier 2014, pour adresser une demande écrite à la société ELIOR, qui gère la cantine par délégation du Conseil Général :
"Biométrie, biomépris…Quand l’école a les mains sales" (*).
Depuis presque dix ans, la biométrie s’infiltre dans les établissements scolaires, essentiellement par le biais d’un lecteur d’empreintes palmaires (RCM) permettant l’identification des élèves dans le cadre de l’accès à la cantine. Il a fallu la destruction, en novembre 2005, d’une borne biométrique au lycée de Gif-sur-Yvette pour alerter l’opinion publique et susciter des réactions. Depuis, la mobilisation s’étend, des contre-feux sont allumés et des bornes sont retirées de la circulation. (...) « Ces appareils sont à la mode, il faut vivre avec son temps ». Ainsi s’exprime Michel Richard, secrétaire national du SNPDEN, le principal syndicat de Chefs d’établissement, au sujet des dispositifs technologiques de contrôle des flux dans les établissements scolaires. Installer une borne biométrique à l’entrée d’un collège ou d’une cantine ne serait-il donc qu’une question de mode ? (...)
La faim ne justifie pas les moyens
A l’usage pourtant, ces machines se révèlent beaucoup moins performantes que prévu : dysfonctionnements, erreurs, problème d’hygiène, longue file d’attente….
Surtout, la facture s’avère bien plus lourde qu’annoncé.
De 3000 euros pour un simple lecteur biométrique, on passe très rapidement à 15 000 euros en incluant le logiciel, les options et les frais de maintenance. Une facture qui a dissuadé le collège Joliot Curie de Carqueiranne (Var) de poursuivre l’expérience, lui qui fut pourtant l’un des premiers à faire appel à cette technologie, en 2002 (...)
La communauté éducative face à une logique carcérale
(...) « Si le seul outil que vous avez est un marteau, vous verrez tout problème comme un clou » disait le psychologue Abraham Maslow… Et quand l’obsession du contrôle s’appuie sur le culte de la technologie, c’est la machine qui devient la pierre angulaire du système : d’un côté, le hardware constitué d’un maillage de réseaux informatiques, caméras, lecteurs biométriques, bornes RFID … et de l’autre, des applications intégrées qui rendent l’ensemble des informations collectées compatibles et qui en assurent le traitement et le stockage dans d’immenses bases de données…
Et c’est l’humain qui se soumet.
(...) Beaucoup d'enseignants ne veulent pas contredire leur principale de peur de rétorsion ; certains parents d'élèves critiquent le système mais ont peur de mesures de rétorsions sur leur enfants […]. Malgré ces réticences, nous assistons cependant à la multiplication d’actions déterminées et de prises de position contre le contrôle biométrique à l’école (...)
Côté professeurs, la Fédération Syndicale Unitaire (FSU), première organisation syndicale de l’enseignement, dénonce « le fichage biométrique, en contradiction avec les obligations internationales en matière de protection de la vie privée, [qui] bafoue les principes et les libertés fondamentales sur lesquels repose la démocratie et ce encore plus lorsqu’il s’applique à des enfants […] ». Pour le syndicat de la Magistrature, « l'utilisation de ces techniques dans le cadre des cantines scolaires est emblématique et participe d'une entreprise de banalisation qui s'inscrit plus largement dans l'idéologie sécuritaire qui s'est développée ces dernières années. » Une position que rejoint le sociologue Jean Pierre Garnier, chercheur au CNRS : « (...) Sous couvert de lutter contre une insécurité dont on persiste à nier les causes profondes, on assiste à la gestation d’une société de surveillance et de suspicion généralisées, où, comme le rappelait récemment le philosophe Giorgio Agamben, les citoyens se voient traités de plus en plus comme des criminels virtuels ».
Lorsque les collectivités territoriales se défaussent
En écho à la mobilisation de la communauté éducative, les collectivités territoriales jouent la prudence et bottent en touche. C’est le cas, notamment, de l’adjoint au maire de Paris chargé de la vie scolaire, Eric Ferrand, qui demande ainsi au chef d'établissement du Lycée Ravel "de bien vouloir surseoir à la mise en place du dispositif projeté jusqu'à ce que les collectivités locales concernées, Région et Département, aient défini leur politique […] et notamment qu'elles aient statué sur la question particulière des contrôles biométriques […]". De son côté, le Conseil Général de l’Hérault vient de décider de ne plus financer le système de fichage biométrique dans les écoles, tandis que le Conseil Régional PACA institue un moratoire sur la mise en place, même à titre expérimental, de systèmes biométriques dans les lycées. (...)
Et si on parlait des enfants ?
M. Louis Joinet, ancien directeur de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (Cnil), avocat général à la Cour de Cassation, membre de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme et expert indépendant des Nations Unies pour les droits de l'homme, s’insurge lorsqu’il évoque ces bornes biométriques installées dans les écoles : « Parce qu'on veut faire accepter la traçabilité à des enfants de 3 ans. Parce qu'on veut leur dire qu'il est normal que leur corps soit un instrument de contrôle, comme si c'étaient des bêtes.» M. Joinet commente également les préconisations de la CNIL en ce qui concerne la possibilité laissée aux élèves de ne pas se soumettre à la biométrie : « Cette pratique part d’une bonne intention en proposant que dans telle ou telle application le fichage soit “ facultatif ”. Mais par là même, les réticents peuvent apparaître “en creux” et plus le fichage est sensible, plus leur position peut être interprétée comme déviante, non conformiste, voire suspecte (qu’a-t-il à cacher ?) »(...)
(*)(Extraits d'un article de Laurent Gili dont vous trouverez la totalité au format PDF ici)
Dans un communiqué aux caractères particulièrement minuscules remis aux élèves le 19 décembre, le chef d'établissement, Madame Marchand, assure que le collège a recueilli l'agrément de la Commission Nationale Informatique et Liberté, mais le champ qui devrait contenir le numéro de cet agrément n'est curieusement pas rempli.
La Principale indique que, pour l'établissement, ce nouveau système présente les avantages suivants :
-aucune possibilité de fraude
- plus d'oubli ou de vol de la carte (les enfants ont déjà une carte avec photo d'identité -ndlr)
- plus de rachat de carte suite à perte ou détérioration
- contrôle infaillible de la présence de l'élève...
Elle indique toutefois que, "pour des motifs légitimes", les parents peuvent s'opposer à l'informatisation des données biométriques de leur enfant. Ils disposent pour cela du temps des vacances de Noël, soit au plus tard jusqu'au 2 janvier 2014, pour adresser une demande écrite à la société ELIOR, qui gère la cantine par délégation du Conseil Général :
Gestionnaire restaurant scolaire
Collège Jean Moulin
1, place des Minimes
69005 Lyon
Ils peuvent aussi le rappeler par téléphone à
Elior au
04 37 41 01 99.
04 37 41 01 99.
Gilles Roman
(redaction@LYonenFrance.com)
"Biométrie, biomépris…Quand l’école a les mains sales" (*).
Depuis presque dix ans, la biométrie s’infiltre dans les établissements scolaires, essentiellement par le biais d’un lecteur d’empreintes palmaires (RCM) permettant l’identification des élèves dans le cadre de l’accès à la cantine. Il a fallu la destruction, en novembre 2005, d’une borne biométrique au lycée de Gif-sur-Yvette pour alerter l’opinion publique et susciter des réactions. Depuis, la mobilisation s’étend, des contre-feux sont allumés et des bornes sont retirées de la circulation. (...) « Ces appareils sont à la mode, il faut vivre avec son temps ». Ainsi s’exprime Michel Richard, secrétaire national du SNPDEN, le principal syndicat de Chefs d’établissement, au sujet des dispositifs technologiques de contrôle des flux dans les établissements scolaires. Installer une borne biométrique à l’entrée d’un collège ou d’une cantine ne serait-il donc qu’une question de mode ? (...)
La faim ne justifie pas les moyens
A l’usage pourtant, ces machines se révèlent beaucoup moins performantes que prévu : dysfonctionnements, erreurs, problème d’hygiène, longue file d’attente….
Surtout, la facture s’avère bien plus lourde qu’annoncé.
De 3000 euros pour un simple lecteur biométrique, on passe très rapidement à 15 000 euros en incluant le logiciel, les options et les frais de maintenance. Une facture qui a dissuadé le collège Joliot Curie de Carqueiranne (Var) de poursuivre l’expérience, lui qui fut pourtant l’un des premiers à faire appel à cette technologie, en 2002 (...)
La communauté éducative face à une logique carcérale
(...) « Si le seul outil que vous avez est un marteau, vous verrez tout problème comme un clou » disait le psychologue Abraham Maslow… Et quand l’obsession du contrôle s’appuie sur le culte de la technologie, c’est la machine qui devient la pierre angulaire du système : d’un côté, le hardware constitué d’un maillage de réseaux informatiques, caméras, lecteurs biométriques, bornes RFID … et de l’autre, des applications intégrées qui rendent l’ensemble des informations collectées compatibles et qui en assurent le traitement et le stockage dans d’immenses bases de données…
Et c’est l’humain qui se soumet.
(...) Beaucoup d'enseignants ne veulent pas contredire leur principale de peur de rétorsion ; certains parents d'élèves critiquent le système mais ont peur de mesures de rétorsions sur leur enfants […]. Malgré ces réticences, nous assistons cependant à la multiplication d’actions déterminées et de prises de position contre le contrôle biométrique à l’école (...)
Côté professeurs, la Fédération Syndicale Unitaire (FSU), première organisation syndicale de l’enseignement, dénonce « le fichage biométrique, en contradiction avec les obligations internationales en matière de protection de la vie privée, [qui] bafoue les principes et les libertés fondamentales sur lesquels repose la démocratie et ce encore plus lorsqu’il s’applique à des enfants […] ». Pour le syndicat de la Magistrature, « l'utilisation de ces techniques dans le cadre des cantines scolaires est emblématique et participe d'une entreprise de banalisation qui s'inscrit plus largement dans l'idéologie sécuritaire qui s'est développée ces dernières années. » Une position que rejoint le sociologue Jean Pierre Garnier, chercheur au CNRS : « (...) Sous couvert de lutter contre une insécurité dont on persiste à nier les causes profondes, on assiste à la gestation d’une société de surveillance et de suspicion généralisées, où, comme le rappelait récemment le philosophe Giorgio Agamben, les citoyens se voient traités de plus en plus comme des criminels virtuels ».
Lorsque les collectivités territoriales se défaussent
En écho à la mobilisation de la communauté éducative, les collectivités territoriales jouent la prudence et bottent en touche. C’est le cas, notamment, de l’adjoint au maire de Paris chargé de la vie scolaire, Eric Ferrand, qui demande ainsi au chef d'établissement du Lycée Ravel "de bien vouloir surseoir à la mise en place du dispositif projeté jusqu'à ce que les collectivités locales concernées, Région et Département, aient défini leur politique […] et notamment qu'elles aient statué sur la question particulière des contrôles biométriques […]". De son côté, le Conseil Général de l’Hérault vient de décider de ne plus financer le système de fichage biométrique dans les écoles, tandis que le Conseil Régional PACA institue un moratoire sur la mise en place, même à titre expérimental, de systèmes biométriques dans les lycées. (...)
Et si on parlait des enfants ?
M. Louis Joinet, ancien directeur de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (Cnil), avocat général à la Cour de Cassation, membre de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme et expert indépendant des Nations Unies pour les droits de l'homme, s’insurge lorsqu’il évoque ces bornes biométriques installées dans les écoles : « Parce qu'on veut faire accepter la traçabilité à des enfants de 3 ans. Parce qu'on veut leur dire qu'il est normal que leur corps soit un instrument de contrôle, comme si c'étaient des bêtes.» M. Joinet commente également les préconisations de la CNIL en ce qui concerne la possibilité laissée aux élèves de ne pas se soumettre à la biométrie : « Cette pratique part d’une bonne intention en proposant que dans telle ou telle application le fichage soit “ facultatif ”. Mais par là même, les réticents peuvent apparaître “en creux” et plus le fichage est sensible, plus leur position peut être interprétée comme déviante, non conformiste, voire suspecte (qu’a-t-il à cacher ?) »(...)
(*)(Extraits d'un article de Laurent Gili dont vous trouverez la totalité au format PDF ici)
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