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Manuel Valls lors de la réunion historique des Protestants à Lyon : "La laïcité n’est pas la négation du fait religieux..."
Photo @Wikipedia |
Lyon a été le théâtre, le 11 mai 2013, du premier synode national de l’Eglise protestante unie
de France. A l'occasion de ce moment chargé d'histoire, le ministre de l’Intérieur Manuel VALLS, a prononcé ce discours que nous reproduisons dans son intégralité :
"Monsieur le président du conseil national de la nouvelle Eglise protestante unie de
France,
Monsieur le sénateur-maire, cher Gérard COLLOMB,
Messieurs, Madame, les présidents des églises ici rassemblées,
Monsieur le Cardinal,
Monseigneur,
Mesdames, messieurs les pasteurs,
Mesdames, messieurs,
C’est un moment de joie, un instant d’allégresse qui réunit, dans ce « Grand temple »
de Lyon, des fidèles, des ministres du culte, des représentants des autres Eglises
chrétiennes, des religions du livre, et des représentants des pouvoirs publics.
Je suis particulièrement heureux d’y être associé ; particulièrement heureux d’être
présent à vos côtés.
Je mesure pleinement l’intensité du moment, et je vous dois une confidence. En
prenant mes fonctions de ministre de l’Intérieur, en charge de la relation avec les
cultes, je ne pensais pas assister à un tel moment historique : la fusion de deux
églises, pôles multiséculaires du protestantisme français.
C’est bien un moment important dans l’histoire de notre pays qui se déroule
aujourd’hui. Avoir choisi Lyon pour cette cérémonie est un beau message ; un message pour nos
contemporains et pour l’Histoire dont la capitale des Gaules est déjà si chargée.
Ce choix de Lyon s’imposait : les racines religieuses de la ville, qui vécut
intensément la Réforme, en font un cadre propice pour cette cérémonie qui
marquera l’Eglise protestante de France.
Lyon, c’est pour les Protestants un symbole.
La ville fut administrée pendant 13 mois, en 1562, par des protestants, et le 10 août
1563, tout le protestantisme français s’y est rassemblé pour le quatrième synode
national. C’est, depuis, un
lieu régulier de réunion de vos églises, tout particulièrement de l’Eglise réformée de
France.
A Lyon, comme ailleurs, les Protestants ont contribué à écrire l’histoire de la
République. A Lyon, comme ailleurs, ils ont apporté leurs valeurs, leur éthique, leur
travail, mais aussi leur esprit de résistance. Résistance notamment contre la barbarie,
et je pense en particulier à ces villageois protestants du Chambon-sur-Lignon qui ont
fait l’honneur de la France, alors que ses valeurs vacillaient.
Aujourd’hui, ce sont les messages de deux figures centrales de la Réforme qui se
rassemblent : ceux de Martin LUTHER et de Jean CALVIN.
Je sais que la sensibilité protestante répugne à tout culte de la personnalité…
Pourtant, comment ne pas évoquer, ici, ces deux personnalités que d’aucuns
qualifieraient de contrastées, d’opposées ? Entre un LUTHER extraverti, flamboyant,
intransigeant et un CALVIN discret jusqu’à l’oubli de lui-même – pudique dirait-on
– et pourtant si déterminé, parfois impitoyable - que de différences !
Mais, un point commun les unit : bien sur la force de caractère mais ils sont tous les
deux d’abord des enfants de la Renaissance dans une Europe dont ils ont changé le
destin.
Au coeur de cette époque si riche, Lyon est une plaque tournante. Située aux confins
du royaume de France, proche du Saint-Empire, voisine des cantons suisses et
notamment de la république de Genève – qui sera l’asile de CALVIN –, enfin proche
des Alpes et par-delà des cités italiennes, Lyon est une ville d’échanges, non
seulement économiques mais aussi intellectuels. Lyon est le siège de nombreux
ateliers d’imprimerie qui permettent la diffusion des livres saints et la propagation
de la foi nouvelle.
Comment ne pas esquisser un rapprochement entre les temps de la naissance de la
Réforme et les temps présents : progrès technique et scientifique qui viennent
interroger l’Homme dans ses fondements, ou encore technologies de l’information
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qui sont autant de vecteurs puissants pour la diffusion des idées. Et Lyon, Monsieur
le Maire grâce à vous, continue de produire cette synthèse fructueuse et féconde.
La Réforme est un moment historique. C’est un moment toujours actuel …
Aujourd’hui, vous optez pour une Eglise unie, mais pas uniforme, car le
protestantisme, c’est le pluralisme.
Le protestantisme s’est, en effet, rapidement ramifié en de nombreuses Eglises
porteuses de sensibilités diverses. Mais il a aussi été traversé, depuis ses origines,
par un autre courant, celui de l’union. Ces deux mouvements – indépendance et
unité – ont agi dans un sens parfois contraire, mais au final, c’est le désir d’une
union respectueuse des uns et des autres qui a progressé.
Aujourd’hui, vous reconnaissez que ce qui vous rassemble est plus important que
ce qui vous distingue. Et ce qui vous rassemble, c’est, bien-sûr, la foi, que vous
pratiquez sans ostentation, mais avec clarté, ce sont aussi des rites, des pratiques
cultuelles, des approches semblables des grandes questions qui interrogent le
fidèle Protestant.
Vous vous rassemblez sous la conduite d’un nouveau président, Laurent
SCHLUMBERGER dont je connais l’esprit de responsabilité et les capacités
d’écoute attentive et de dialogue. En lui adressant tous mes voeux pour ce
ministère exigeant, je veux renouveler un message de sympathie et de confiance à
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l’endroit des protestants de France et les assurer de combien ils peuvent vivre
pleinement, intensément leur foi chrétienne.
Cette foi, la République la reconnaît comme profondément légitime. Mais elle
affirme, dans un même mouvement, que la foi renvoie à des interrogations
personnelles, qu’elle ne peut être qu’une réponse individuelle à ce « silence du
monde » dont parlait Albert CAMUS.
Croire – ou ne pas croire – relève de l’intime. Et pour vivre pleinement sa foi, tout
croyant bénéficie d’un cadre : la laïcité. Je veux en parler, aujourd’hui, car je sais
combien vous l’avez toujours défendue.
La laïcité n’est pas la négation du fait religieux mais simplement une séparation
claire entre ce qui relève du spirituel et du temporel.
La laïcité est, certes, une réponse de nature juridique, mais elle est, d’abord et avant
tout, une réponse politique. Politique au sens le plus noble du terme, c’est-à-dire le
gouvernement harmonieux de la Cité des Hommes.
La laïcité, c’est, enfin, la réconciliation entre ces deux aspirations qui animent
l’humanité, à savoir le présent et l’infini. Le présent nous conduit à développer
toutes les capacités inscrites en nous, à oeuvrer pour le développement et la
prospérité matérielle, à construire et édifier nos institutions humaines, à favoriser le
progrès social, scientifique, sociétal ; par la loi et les choix démocratiques qui
s’imposent à tous. L’infini est cette soif de valeurs spirituelles, ce désir d’absolu, une
forme de mystère aussi.
Le temporel et le spirituel sont nécessairement appelés à cohabiter, à vivre dans la
concorde et dialoguer au nom d’une belle valeur : la tolérance.
Ce synode, moment historique, nous invite nécessairement à nous tourner vers notre
Histoire.
Aujourd’hui, la puissance publique, l’Etat, la République, agissent selon ce principe
de la laïcité. Grâce à lui, vous êtes protégés dans votre liberté essentielle,
fondamentale, d’exercice du culte. Grâce à lui je peux, comme ministre de la
République, vous parler, comme j’ai déjà parlé aux Catholiques, aux Juifs, aux
Musulmans de France. Grâce à lui, vous avez la garantie que l’administration est
neutre, mais proche, distincte, mais présente.
Cela n’a pas toujours été le cas ! Le protestantisme français a fait l’amère
expérience de l’oppression, des persécutions, de l’exil qui a couté si cher à notre
pays.
Il a fallu des siècles pour que la France apprenne à vivre avec toute la richesse des
confessions qui s’exprimaient sur son sol. De cette richesse, de cette diversité, le
génie de la République a su en tirer sa force.
C’est pour cela qu’aujourd’hui nous savons composer avec les ramifications de notre
histoire. Le Concordat, auquel vous êtes si attachés – je parle d’abord aux Luthériens
de cette salle, peut-être devrais-je dire, aux ex-Luthériens, mais il y a aussi des
Réformés en Alsace – ce Concordat, qui semble si perpendiculaire au principe de laïcité, parce qu’il organise la rémunération du culte par l’Etat, vient d’être consacré
par le conseil constitutionnel. Ses valeurs profondes l’ont emporté ! La tolérance, la
liberté de croyance et de religion, sont des principes fondamentaux, ici comme à
Strasbourg, Metz ou Colmar.
Mais les particularités de l’histoire, la souffrance passée, sont aussi des
enseignements fondamentaux pour notre présent. La laïcité est notre rempart contre
tous ceux qui veulent mettre sur la scène publique l’intolérance, l’exclusion, le refus
du débat, l’obscurantisme, qui n’ont pas leur place dans la République.
Le message historique du protestantisme c’est justement celui de la tolérance, de
l’ouverture, de la libération de l’individu, de son accès à la connaissance par lui-même.
Comment ne pas voir autant de points communs avec les valeurs de la
République ?
C’est donc bien que leurs destins sont liés.
Aujourd’hui, au terme d’un long et patient processus, vous avez choisi de vous
mettre en « Réforme », de vous donner un nouveau destin.
En ce jour si particulier, où vous êtes fidèles à votre histoire, et parés pour l’avenir, je
veux vous adresser toute la considération, toute l’estime de la République."
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